samedi 23 avril 2011

Horizon(s) perdu(s)


"All right. Je sais. L’UMOUR est à l’existence de tout – donc – un symbole de verre bien taillé. L’alcool des horizons perdus."

Le Sanglant Symbole, in Ecrits, p. 350.


"C’était une ombre de vérité qu’amenaient les plus beaux mensonges. Ces rêves m’apprirent  que les souvenirs n’existent pratiquement pas. Il n’y a plus jamais pour moi que des horizons perdus."

La victoire à l’ombre des ailes, in Ecrits, p. 56.



"Peu après, je m’installais à l’hôtel Terminus-Vaugirard, par suite d’un concours de circonstances favorables qui voulut qu’une personne me rendît les moyens de vivre. Là, je serai au loin, à l’extrémité de la plus longue rue de Paris… me dit-on, orientée au couchant, jusqu’à la mer où elle se prolongeraient bien en voie sacrée des horizons perdus."

Lancelo et la chimère, in Ecrits, p. 160-161.


Nombreux sont les témoignages de l’obsession de Rodanski pour le film Lost Horizon de Frank Capra et la ville où se déroule l’histoire, Shangri-là : le film Horizon Perdu réalisé par Jean-Paul Lebesson et Bernard Cadoux et le volume du même nom préfacé par ce dernier chez Comp’Act en 1987, les témoignages d'Alain Jouffroy (Stanislas Rodanski, une folie volontaire, p. 10 notamment), de nombreux textes et les carnets qu'il écrira à St Jean de Dieu


mercredi 20 avril 2011

Aphorismes rodanskiens (1)

Oui, tenter de vivre, et c’est toujours dangereux. Bien peu vivent, sans doute. Et l’on ne sait où chercher la vie.
Devenir un héros de la vie réelle. Et la vie réelle n’est pas dans les choses, mais dans les êtres.

Journal 1944-1948, p. 41.

Allume ton regard à la dynamite plutôt qu’à la poudre aux yeux.

Journal 1944-1948, p. 54.

samedi 16 avril 2011

L'Astrologue de la Lettre (énigme rodanskienne 1)

Lettre à une astrologue

Madame, j’interromps une lecture (la dixième peut-être) de votre livre Tous les signes expliqués pour vous demander conseil.
J’écris peut-être sous le coup d’une impulsion, mais je la sais judicieuse. Votre ouvrage remarquable révèle certains rapports essentiels de l’être, que j’ai par ailleurs constatés, et dont la maîtrise ou l’harmonie sont équivalentes de suprématie ou de vie majestueusement accomplie.

La montgolfière du Déluge, p. 13

Dans son avant-propos à La Montgolfière du Déluge, Jacques-Elisée Veuillet note : « il n’existe pas de trace d’envoi de cette lettre, ni du nom de sa destinataire » (p. 9). Enquête difficile à mener en 1991, sans internet. Grâce à la précision de Rodanski « votre livre Tous les signes expliqués », en 2011, la recherche s’est avérée beaucoup plus aisée : un seul ouvrage porte en effet ce titre et son auteur s’appelle Marie-Louise Sondaz.


Marie-Louise Sondaz, Tous les signes expliqués, Marseille, Lafont, 1942, 354 p., 101 figures et documents photographiques.

Il s’agit de son premier livre, qui connaît une réédition en 1950.  Étant donné la période chronologique des textes publiés dans La Montgolfière du Déluge (1946-1948) il ne fait aucun doute que Rodanski a lu la première édition de cet ouvrage dastrologie.

Une photographie de Marie-Louise Sondaz sur la page de titre de son livre Je suis Astrologue (1961).


Pour des éléments de biographie de Marie-Louise Sondaz, on peut lire la seconde partie de l’article suivant : Jacques Halbronn, Autour de l’œuvre de Georges Antarès et de Marie-Louise Sondaz, publié en ligne sur le site des Editions Arqua, à cette adresse http://www.editions-arqa.com/editions-arqa/spip.php?article805 [consulté le 16/04/2011]

mercredi 13 avril 2011

Lectures du jeune Rodanski : romantique et alchimiste allemands

Les meubles comme les objets étaient chez moi des idées fixes dans leur immobilité sur qui le temps n’avait pas de prise. Comme si le jour, comme si la nuit n’avaient prise sur mon esprit. A vrai dire j’y avais instauré la nuit chaste de Novalis, j’y rêvais des songes que peuvent avoir les désincarnés (cf. Henri d’Ofterdingen).


J’y avais dressé un autel à la Vigilance, mes livres étaient des insomnies, des aigrettes de flammes dardaient des images des murs quand on les regardait. Je m’étais autant que possible conformé à la disposition morale évoquée par la gravure de Henry Kunrath : « Laboratoire Oratoire ».

J’avais aménagé le sommet des armoires avec des chaises, des guéridons, si bien que l’on y pouvait reposer suivant les trois dimensions de la pièce.

Extrait de « J’avais alors dix-huit… », Opus-International, numéro spécial « André Breton et le surréalisme international », n° 123-124 (avril-mai 1991), p. 178. [les illustrations sont évidemment ajoutées]

Dans sa lettre à Alain Jouffroy accompagnant ce texte en vue de sa publication dans Opus International, Jacques-Elisée Veuillet  précise : « Le texte de Stan a probablement été écrit fin 47 ou début 48 » (ibid., p. 176).

lundi 11 avril 2011

Vie du blog 1

Merci aux premiers lecteurs qui m’ont envoyé des messages d’encouragements et à ceux qui m’ont permis de combler quelques manques dans la bibliographie, tant pour des références que pour des illustrations de livres peu courants, voire rares !
Que ceux qui m’ont permis, avant l’ouverture du blog, de compléter la bibliographie soient également remerciés.

La bibliographie a donc progressivement été actualisée depuis sa mise en ligne. Dernière référence en date, le catalogue de la vente de la collection Jacques Hérold, qui contient nombre de documents concernant Rodanski. Plusieurs messages y seront consacrés dans quelques temps.

La suite de la chronologie biographique ne devrait pas trop tarder, même si après chacune de ces parties (il en reste trois), je posterai, comme pour la première, des documents illustrant ces différentes étapes de la vie de Rodanski. A bientôt pour la suite...

jeudi 7 avril 2011

Daniel Rodanski Senior et Junior

Dans le Bulletin mensuel de l’Association des Anciens élèves de l’Ecole Centrale Lyonnaise (numéros 249 à 252, second semestre 1929), on trouve systématiquement cette publicité :

 


 La thèse de Renaud Chaplain Les cinémas dans la ville. La diffusion du spectacle cinématographique dans l’agglomération lyonnaise (1896-1945) (consultable en intégralité ici) permet de comprendre l’évolution de l’activité du grand-père de Rodanski :

Un individu, nouveau venu dans l’exploitation lyonnaise, symbolise à lui seul le nouveau visage de l’exploitation cinématographique : Daniel Rodanski. Né à Varsovie en 1871, il est arrivé à Lyon en 1882 avec sa famille. En 1897, il devient associé dans une société (Glucksman et Cie) d’exportation de soieries et de dorures qui a dû rapidement prendre une certaine ampleur puisque d’après Daniel Rodanski, « nous étions les représentants de diverses maisons de New York ». En 1930, basé à Caluire, il se lance dans des tournées cinématographiques de films parlants dont il fait sa principale activité à partir de 19311180. Les affaires fonctionnent certainement très bien puisqu’en 1932, Daniel Rodanski se rend acquéreur de la vieille brasserie Dupuis, boulevard de la Croix-Rousse, qu’il transforme en établissement cinématographique prestigieux de 900 places. Solidement installé au sein de l’exploitation lyonnaise, il multiplie les initiatives. Cofondateur de la Compagnie Lyonnaise du Cinéma (CLC) en 19361181 dont il est le principal administrateur, il ouvre une salle sur la prestigieuse rue de la République, puis installe un nouveau palace dans le quartier de Vaise1182 en 1937. En cinq années, Daniel Rodanski a ouvert trois salles de cinéma à Lyon*.

Les amis lyonnais de Rodanski, notamment Jacques-Elisée Veuillet, rapportent que son père, également prénommé Daniel mais surnommé Dan, tenait plusieurs cinémas. Dans le récit de son rêve du 30 mars 1950, Rodanski note même :

"1938 je suis à la Croix-Rousse dans l’appartement attenant à au Cinéma Chanteclair que j’occupais avec mes parents." (Écrits, p. 11).

La publicité publiée à plusieurs reprises dans le Bulletin mensuel de l’Association des Anciens élèves de l’École Centrale Lyonnaise date vraisemblablement de l’apogée de la première activité du grand-père de Rodanski avant quil ne se lance dans le cinéma. 

* : Les notes de l'extrait de la thèse :
 1180. AN : AJ38 3623 : Comité d’Organisation Professionnelle du Cinéma, lettre de Daniel Rodanski, vers 1941.
1181. ADR : 6 up 1/607 : Formation de la Compagnie Lyonnaise du Cinéma (30 mai 1936).
1182. ADR : 6 up 1/617 : Formation de la société Vox (2 février 1937).

Renaud Chaplain, Les cinémas dans la ville. La diffusion du spectacle cinématographique dans l’agglomération lyonnaise (1896-1945), Thèse de doctorat en Histoire sous la direction de Sylvie Schweitzer, soutenue le 10 septembre 2007, consultable ici.

lundi 4 avril 2011

Disparition de Jorge Camacho (1934-2011)




Il était le dernier illustrateur en date de Rodanski, auteur d'un frontispice pour l'édition originale de Requiem for Me (Éditions des Cendres, 2010)

La mort du peintre Jorge Camacho, surréaliste et cubain

Paulo A. Paranagua, journaliste au Monde, son blog ici.

Jorge Camacho est mort à Paris, le mercredi 30 mars 2011. Il était l'une des ultimes « découvertes » picturales d’André Breton. Son ouvrage Le Surréalisme et la Peinture (Ed. Gallimard), publié en 1965 un an avant sa mort, compte parmi ses tout derniers ajouts le texte « Brousse au-devant de Camacho ».

Né à La Havane le 5 janvier 1934, Jorge Camacho s’installe à Paris en 1959 et prend contact avec le sculpteur cubain Agustin Cardenas, fort apprécié par Breton.
Peintre, dessinateur, graveur, poète parfois, plus tard photographe, Camacho s’intègre au groupe surréaliste, participe à ses expositions, collabore à de nombreux ouvrages.

Les figures et les couleurs de Camacho lui sont personnelles, d’autant que ses principales influences proviennent d’autres univers, comme l’alchimie, l’occultisme, la littérature (Raymond Roussel, Sade, Bataille, Panizza).

Son bestiaire ne ressemble à aucun autre, même si Bosch pourrait être invoqué. Les pattes d’insectes, les ossements et les becs d’oiseaux prolifèrent, mais s’incarnent sous des formes que la nature n’imite pas. Il y a aussi un climat énigmatique, oppressant, aux architectures ésotériques, aux lignes fuyantes n’ayant qu’un lointain rapport avec De Chirico. Les couleurs pastel coexistent avec une palette sombre.

Au temps où les surréalistes se réunissaient à la Promenade de Vénus, Camacho lui-même avait une belle tête d’oiseau, mâchant sa pipe avec un sérieux à toute épreuve, plutôt discret, mais ne refusant aucun jeu ou activité collective.

Lorsqu’il bavardait avec Vincent Bounoure, un de ses principaux interlocuteurs, on avait l’impression d’avoir atterri sur un nid d’aigles planant très au-dessus des mortels.

Chez lui, à Neuilly, auprès de sa compagne espagnole Margarita, le visage changeait comme si retrouver l’usage de la langue maternelle le déridait instantanément. Il était pourtant un lecteur infatigable, un érudit à force d’assimiler et de s’inspirer d’autres mondes imaginaires.

Camacho a joué un rôle effacé lors de la présentation du Salon de Mai à La Havane, en 1967, derrière la figure tutélaire de Wifredo Lam et le principal organisateur, Carlos Franqui. A l’issue du voyage, les surréalistes avaient signé un texte « Pour Cuba », publié dans la revue L’Archibras n° 3, en mars 1968.

Cinq mois plus tard, le soutien de Fidel Castro à l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie déstabilisait le groupe surréaliste et lançait une controverse qui allait le miner (Alain Joubert l’évoque dans son livre, Le mouvement des surréalistes, éd. Maurice Nadeau, 2001).

Camacho rapportait de son séjour à Cuba un manuscrit de Reinaldo Arenas, l’écrivain dissident à peine connu alors.

Un des premiers ouvrages consacrés à l’œuvre du peintre, édité à Barcelone en 1979, était signé par Carlos Franqui. Il contenait trois sonnets d’Arenas et trois lettres de José Lezama Lima adressées à Camacho : trois personnalités de premier plan de la culture cubaine contemporaine.

Jusqu’au bout, Jorge Camacho est resté surréaliste et cubain.

samedi 2 avril 2011

F.-J. Ossang parle de Stanislas Rodanski


J’avais monté un premier groupe qui s’appelait DDP : De la Destruction Pure (rires)… Ça a duré de 77 à 79. Mais tout était très imbriqué parce que, en même temps, j’ai créé la revue Cée. Ce titre venait du suffixe grec (que l’on retrouve dans des mots comme gynécée) qui signifie « lieu, ici ». Et puis « Cée éditions » ressemblait à « sédition », ou pouvait aussi signifier les « Colères Errantes de l’Europe »… A cette époque, par l’activité de la revue, j’ai découvert Stanislas Rodanski. C’était un très grand poète, né en 1930, très actif à partir de 48. Il a fait partie du mouvement surréaliste d’après-guerre, en a été exclu pour « activités fractionnelles » et, en 54, il est entré définitivement à l’hôpital psychiatrique de Lyon. Un type très énigmatique, dans la mesure où il est entré en HP comme d’autres entrent au couvent : pour se retirer totalement, parce que toutes les clés de communication avec le monde social étaient caduques. Son livre, La Victoire à l’ombre des ailes, n’a été publié qu’en 75 par les éditions du Soleil Noir (réédité ensuite par Bourgois) : dedans, il y a une espèce de réverbération du récit cinématographique, une visibilité des mots… C’est passionnant et ça revisite beaucoup le cinéma. Après la lecture de Rodanski, le cinéma prend une autre dimension. Son film fétiche était d’ailleurs Horizons perdus (de Capra). Après avoir beaucoup travaillé à la propagation de Rodanski, la revue s’est arrêtée en 79, après sept numéros. Dans nos sommaires, il y avait aussi eu des gens comme Burroughs, Bernard Noël, Jean-Christophe Bailly, Claude Pélieu…

Extrait d’une interview publiée sur le site des Inrocks, consultable en intégralité ici.