mardi 19 juin 2012

Un sanglant symbole (G. Courant, 1979)


Un internaute vient de mettre en ligne le film de Gérard Courant intitulé Un sanglant symbole, dont la bande son est la lecture d'extraits de La Victoire à l'ombre des ailes de Rodanski. Merci à lui de partager ce rare document !

Un Sanglant Symbole, présentation sur le site de l'auteur

Un sanglant symbole, c'est deux films : le film de l'image et le film de la voix.
Le film de l'image a été tourné avant qu'existe le film de la voix.
Le film de l'image est la reproduction de 160 photographies (de films, de publicités, d'actualités...) filmées dans des durées variables (de plus en plus lentement, puis de plus en plus rapidement).
Qu'y voit-on ? Des regards. Des gestes de la main.
Et plus précisément ? Une tentative de répondre sur les pouvoirs de la représentation au cinéma jusqu'à son issue fatale (et inexorable) : la mort.
Le film de la voix n'était pas prévu. Il s'est imposé une fois le film de l'image commencé. Avec force. Ce sont dix pages d'extraits (sur les quarante) dits par Marie-Noëlle Kauffmann sur un mode mineur – voix trébuchante, dérapante, glissante – de l'une des nouvelles les plus désespérées écrite depuis la mort d'Artaud : La Victoire à l'ombre des ailes de Stanislas Rodanski. Le texte date de 1950.
Entre le film de l'image et le film de la voix, il y a parfaite autonomie. Mais des concordances ont parfois lieu, aussitôt suivies de ruptures. D'éloignements. Suite de va-et-vient entre les deux films.
Le film de la voix n'est pas un commentaire. Ni une voix off : en aucun cas cette voix n'a un tel statut et moins encore le caractère de pièce à conviction pour une meilleure compréhension du film. Au contraire, elle la pervertit, la dérange, l'inquiète.

(Gérard Courant - son site officiel)

lundi 11 juin 2012

Extraits autobiographiques


Refoulés à peu de kilomètres de la ligne de feu où nous avions travaillé dans les dernières semaines après la chute de Mannheim, nous arrivâmes dans une petite ville. En exécution des ordres du colonel Terbrak, on fit désinfecter tous nos vêtements dans un autoclave de la Wehrmacht. C’était la première partie d’un ordre étrange. Nus dans une cour, nous attendions nos vêtements. L’étuve prit feu, les vêtements brûlèrent. Le colonel Terbrak téléphona et, peu d’heures après, on nous apportait dans un ballot les surplus du Secours National. C’étaient des effets troublants réquisitionnés chez les costumiers et dans les théâtres. On avait seulement enlevé leurs ors et leurs boutons de fantaisie. Il y avait aussi des smokings, des habits de gala rapiécés en rouge ou jaune. Je trouvais des vêtements anonymes, gris comme la fumée et un pourpoint de satin amarante. (C’était en fait un gilet de garçon d’hôtel, en soie rouge, avec des poches à monnaie. Mais il rutilait.) (Trois fois rien, p. 157)


Cette aventure, dont je ne suis pas revenu, marque pour moi la date d’une initiation. Dès lors je me crus destiné à contribuer à l’élaboration de quelque mythe dont le cœur des masses populaires et toujours gravitantes feraient l’objet. Lorsque quelques années plus tard je rencontrai André Breton, c’était à la date du solstice d’été que j’avais marquée plusieurs mois à l’avance comme devant être capitale pour moi, me fiant au seul fait que l’ascension du soleil à son zénith ne pouvait éclairer qu’une importante journée de ma vingtième année. Et depuis rien ne m’a donné à penser que je me sois abusé. Toujours est-il que ce jour du 21 juin 1947 entre pour moi dans la légende dont j’ai esquissé la naissance à mes yeux au cours des pages précédentes. Ce soir-là à 21 heures, place Blanche, fut donnée lecture du manifeste «  Rupture inaugurale » marquant la fondation d’une association dite « Cause Surréaliste » dont la devise empruntée à la Logique de Port-Royal était : « L’homme qui marche est une cause libre. » (L’homme des foules, p. 149)


Et j’ai marché, qui plus est. Je fus l’être qui plus est. Le mobile à partir du point que je fus, suspendu à l’origine du danger, cette règle tout au long de ma vie sans garde-fou – cette constante de l’esprit dans lequel ma lignée fut tirée du néant d’un coup de feu. Car viser est mon but – ma flèche y tend, aussi je n’aurai d’autre arc que cette corde qui file en sifflant – cette corde où je pends au fil de mon sang qui brûle. Ma route est l’impatience dévorante du pas suivant qui hâte ma marche et prend le pas de la fièvre, alors que mon pied ne touche plus terre que pour y reprendre la force de bondir, de franchir mon ombre. Mon nombre qui luit dans l’espoir de me donner ma mesure. Mon ombre qui me suit comme un doute ! (« Je n’ai pas dit mon dernier mot… », p. 143)


Ce décor, ces cierges, ces promenades somnambuliques, je ne les accomplissais pas parce que j’étais fou, mais en me disant : je suis fou, donc il faut que je donne des signes de folie. Que je donne des signes de folie parce que je suis fou. Doucement le problème change de forme, parce que je peux l’envisager dans l’absolu où je suis transporté, avec un puzzle. Je commence à assembler des pièces avec la sensation d’être mal installé, de faire cela avant le moment venu, de trop me presser ; pourtant, je continue le jeu, il y a une foule de pièces qui s’emboîtent. Elles deviennent de plus en plus grandes, il y en a toujours une qui peut contenir l’ensemble ; ou bien de plus en plus petites, il y en a toujours une qui peut être contenue par l’ensemble. C’est tout à fait curieux, mais je m’éveille c’est la nuit. J’ai compris instantanément mon rêve, ou plutôt, j’ai achevé le raisonnement commencé par lui : ma folie est de me croire fou, ma folie est de croire que je crois que je crois que je suis fou. Ou bien : ma folie est de croire tout cela, ce qui revient au même ? (Histoire de fou, p. 140-141) 

Ces citations sont extraites des textes inédits publiés dans Stanislas Rodanski, Éclats d'une vie. Tous datent d'avant la période de l'internement à Sain-Jean-de-Dieu.

mercredi 6 juin 2012

On parle de l'hommage Rodanski (5) : radio

François Angelier évoque la manifestation en hommage à Rodanski (colloque, exposition) et présente le livre Stanislas Rodanski, Éclats d'une vie, dans son émission "Tout feu tout flamme" du 4 juin 2012 sur France Culture.



Tout feu tout flamme de François Angelier
04.06.2012 - 08:50

- Livre : Éclats de vie, Stanislas Rodanski (Fage éditions) [seul repris dans la vidéo ci-dessus]
- Film : Le Professeur, Edward Sedgwick (Vintage Classics)
- CD : Improvision, Bernard Peiffer (Universal)

Tout feu tout flamme, la page de l'émission sur le site de France Culture

lundi 4 juin 2012

Aphorismes rodanskiens (2)

Je suis le chasseur d’images passablement blasé de la forêt vierge mentale hirsute et charmeresse. 
(Au-delà de tout, p. 173)

Écrire est analogue à dessiner l’ombre de sa main
(Au-delà de tout, p. 175)

J’ai cherché le visage d’une femme en écartant les franges de la pluie
avec mes bras qui s’ouvraient en vain et n’accueillaient que les désertions du vent
(« J’ai cherché… », p. 179)

L’investigation psychanalytique n’est qu’un vulgaire interrogatoire policier quand elle tend à réduire les admirables ambitions du désir aux cadres de la vie courante.
(Lettre au Docteur Brousseau, p. 188)

Ces citations sont extraites des textes publiés dans Stanislas Rodanski, Éclats d'une vie, tous inédits excepté la Lettre au Docteur Brousseau.

samedi 2 juin 2012

On parle de l'hommage Rodanski (4) : blogs

Nouvelles réactions... en pixels cette fois

Stanislas Rodanski, dernières nouvelles d’un écrivain fugitif, par Jean-Pierre Thibaudat
Le 30 mai

Stanislas Rodanski fut et restera un écrivain insaisissable. Figure interlope des surréalistes dont il fut exclu, on ne saurait le circonscrire à ce courant littéraire même si sa fidélité à André Breton perdurera.
Ne fut-il pas aussi, à sa manière, un romantique erratique comme le cinéaste Léos Carax (l’œuvre de Rodanski est hantée par le cinéma), un écrivain caméléon comme l’écrivain post-exotique Antoine Volodine (comme ce dernier, il s’abrita sous plusieurs noms dont celui de Lancelo) ?


Une exposition, un catalogue agrémenté de textes inédits et un DVD dont il est l’acteur, le héros et le « spectr’ acteur » (pour reprendre le titre d’un de ses livres parus chez Deleatur), cernent autant que possible sa figure « incernable » : Rodanski reste un fugitif. Il a écrit un jour : « Un jour, j’irai droit dans le mur ou je finirai chez les fous. » Lire la suite...


Sur les traces de Rodanski, par Gaël Dadies
Le 1er juin 2012

La bibliothèque de la Part Dieu accueille jusqu’au 24 août «Les Horizons perdus de Stanislas Rodanski» et rend hommage à cet auteur lyonnais trop méconnu grâce à cette exposition tentant de retracer le parcours mouvementé de cet écrivain singulier. Des manuscrits, lettres, revues, journaux, peintures, photographies ainsi que des documents sonores et audiovisuels inédits, lèvent le voile sur une expérience littéraire poussée au-delà des limites de l’esprit. Lire la suite...

On parle de l'hommage Rodanski (3) : presse

Nouvelle réaction à l'hommage organisé par l'association, sur papier :

Stanislas Rodanski, l'écriture pour seul horizon
par Lyon Capitale, juin 2012